L'actuel château de Laprée a été construit en 1740 par Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing (1706-1776), futur grand bailli de Saint-Omer, sur les plans du géomètre arpenteur audomarois Jean-Louis Chipart. C'est l'incendie de leur maison à Saint-Omer en 1737 qui a déterminé le seigneur de Laprée et son épouse, Marie-Josèphe-Eugénie Dupuich (de Mesplau) (1709-1748) à le bâtir.
Jean-Louis Chipart conçut ici un charmant bâtiment de briques et de pierres avec un soubassement en grès et un grand toit d’ardoises bleutées, entre une cour très spacieuse et un jardin, séparé du reste du domaine par des fossés poissonneux. L’architecte distingua les trois fonctions que devait remplir la nouvelle demeure : la réception avec une salle à manger et un salon de compagnie au rez-de-chaussée ; l’intimité (avec des chambres conçues comme de petits appartements et des commodités « anglaises ») ; les services de la cuisine et les logements des domestiques (valet, servante, cuisinière), rejetés dans des communs. Les dépendances étaient importantes : chambres des domestiques, maison et chambres de la basse-cour, boulangerie, grange et remise des carrosses dans la basse-cour, petites étables, plusieurs écuries, poulailler… La réalisation des jardins, dont le principal était délimité par des fossés en eau, avait été confié à « maître May ».
Le peintre lillois van Mine livra des toiles peintes à la fresque pour le salon de compagnie : elles représentent un foisonnant paysage rupestre aux dominantes de vert et de gris : elles ont été commandées par Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing sans doute dans la perspective du mariage d’une de ses filles. Le salon de musique voisin a conservé aussi sa riche décoration en plâtre dit de Saint-Omer, technique de sculpture également visible au château de Clarques.
Une petite chapelle est attenante au château. Sous l’Ancien Régime, la chapelle castrale affirme une différenciation sociale, la proximité symbolique entre la dignité seigneuriale et l’ordre divin et fait du château un espace à part, quasi-sacré. Il existait une chapelle attenante à l’ancienne maison forte car en octobre 1682 l’évêque de Boulogne, Claude Le Tonnelier de Breteuil, permit à Jean-Jacques II d’y entendre la messe. En renouvelant en 1741 l’autorisation pour le petit-fils, l'évêque Auguste-César d’Hervilly de Devise faisait allusion à la vétusté de l’oratoire existant et ne donna son autorisation qu’à la condition que les messes seraient dites dans la nouvelle chapelle que l’impétrant allait construire. Dominique-Jean-Jacques la reconstruisit donc ou la restaura. Les lourdes portes de cette chapelle s’ouvrent sur le salon de compagnie, le lieu de sociabilité de la maison. Construite en briques et pierres blanches, trois pans coupés forment son chœur et deux fenêtres à petits carreaux l’éclairent. L’intérieur est entièrement blanc et quatre fausses colonnes de pierre surmontées de beaux chapiteaux profondément sculptés entourent l’autel. La voûte surbaissée est ornée de larges nervures qui se rejoignent autour d’une trappe qui ouvre sous le toit. L’autel, le tabernacle, les deux reliquaires - ils font de tout le château un espace sacré - sont en bois et ont été sculptés par l’atelier de Piette, famille de sculpteurs audomarois entrée dans la postérité avec la réalisation du somptueux buffet d’orgue de la cathédrale de Saint-Omer.
Laprée reste longtemps un château neuf construit dans un château vieux à demi détruit : Dominique-Jean-Jacques de Lencquesaing écrit en effet en 1745 que des ouvriers avaient recouvert de tuiles le « vieux quartier » de son château. Il a pris soin de conserver une vieille tour, un symbole féodal qui attestait de sa dignité et de l’ancienneté de la famille, sa porte cochère, son pont-levis, ses douves en eau... Le domaine de Laprée est tout de même estimé à 45 500 livres à la mort de son bâtisseur en 1776.
Si Dominique-Jean-Jacuqes de Lencquesaing a fait de Laprée son unique résidence, il n'en est pas de même pour son fils, Louis-Dominique-Eustache (1734-1805), capitaine au régiment de Navarre puis grand bailli de Saint-Omer (à la suite de son père), époux de Marie-Cécile-Joseph Aronio, l'un des plus beaux partis de Lille. Le ménage se partage entre Lille-Esquermes, le château de Molpas à Mérignies (hérité des Dubois de Chocques) et Laprée à la belle saison.
Le château traverse sans dommages majeurs la Révolution.